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Débardeuses, pilotes, grutières, vérificatrices… Portrait d’une industrie traditionnellement masculine qui se féminise peu à peu.

« Les femmes portent malchance sur un navire » : une légende d’antan qui a eu la vie longue, à tel point que, historiquement, les femmes étaient exclues du monde maritime et même interdites à bord. La seule présence féminine était la figure de proue…

Une évolution timide

Milieu traditionnellement masculin, l’industrie maritime compte parmi ses effectifs une part croissante de femmes. Mais que ce soit à cause des préjugés persistants ou d’une méconnaissance des carrières possibles, ce mouvement ne se fait pas sans quelques réticences de part et d’autre. « Nous essayons beaucoup d’attirer des femmes avec nos campagnes de promotion des carrières maritimes. Mais nous sommes conscients de travailler sur le long terme. », dit Claude Mailloux, directeur général du Comité sectoriel de la main d’œuvre.

Qu’il s’agisse de métiers en mer — capitaines, pilotes, mécaniciennes, matelotes — ou sur terre — débardeuse, vérificatrices, grutières — l’ouverture du monde maritime envers les femmes n’est que très récente, et plutôt timide, à l’exception des emplois administratifs. « L’ouverture a commencé très doucement après l’an 2000. Leur présence semble augmenter, mais très lentement », précise Claude Mailloux. « Celles qui font le saut sont encore des pionnières. »

Au Canada, les femmes comptent pour 7,6 % des matelots, 6,8 % des officiers de pont et 5,7 % des débardeurs/arrimeurs. Le nombre tombe à 2,3 % pour les capitaines et moins de 1 % du côté des mécaniciens et électriciens. « C’est sûr que c’est encore très peu », selon Catherine Mérineau, superviseure des équipages pour Océanex. « Sur un de nos navires actuellement, on compte 3 femmes sur un équipage de 32 personnes. Sur un autre, aucune ».

Des préjugés tenaces

Parmi les obstacles encourus figurent en premier lieu les préjugés, notamment celui de la force physique pour certains métiers comme timonier ou encore les emplois dans la salle des machines. « Dans certains cas, les équipements sont assez lourds et difficiles à manipuler. Ça peut être un problème pour certaines femmes et ça contribue à faire persister le préjugé », poursuit Catherine Mérineau. D’autre part, la maternité demeure difficilement conciliable avec le travail en mer. « Souvent, lorsqu’elles ont un enfant, elles quittent le navire ».

À la fin des années 80, l’Organisation maritime internationale a reconnu la nécessité de renforcer les effectifs féminins dans la profession maritime à l’échelle mondiale et a rédigé son premier plan stratégique à ce sujet. Plusieurs initiatives se sont imposées au fil du temps : favoriser l’embauche de plusieurs femmes en même temps à bord (une femme qui sert en mer ne peut être la seule femme à bord), des clauses spécifiques sur la grossesse et la maternité dans les contrats de travail, notamment autour du retrait préventif ou des mesures de conciliation travail-famille, ou encore des espaces de couchage spécialement réservés aux femmes sur les navires. L’objectif : que celles qui rêvent de faire carrière dans le monde maritime puissent le faire dans les meilleures conditions possible.

Une passion : la mer

Malgré tout, à terre comme en mer, les barrières tombent. « Les équipages rajeunissent », dit Karine Racine, chef-officière pour Océanex. « Avec les nouvelles générations qui arrivent, les esprits sont de plus en plus ouverts. »

De plus, avec l’automatisation et la part croissante de l’électronique, moins besoin de muscles et de force physique et davantage besoin de concentration et de précision… Ce qu’il faut avant tout, estime Manon Comtois, débardeuse au Port de Montréal, « c’est de l’endurance ». Pour le reste, « si tu fais ton travail, il n’y a pas de problème et les gens sont respectueux ». En 23 ans de métier, celle-ci a d’ailleurs pu constater l’évolution. « Nous n’étions que 5 ou 6 quand j’ai commencé. Maintenant, nous sommes autour de 150 ».

Aujourd’hui, elles sont généralement unanimes pour constater une évolution positive, notamment au sein des équipages canadiens. Même à l’international où les différences culturelles peuvent être un obstacle, « les mentalités finissent par changer, car il y a de plus en plus de femmes à bord », poursuit Karine Racine, « mais ce processus ne se fait pas du jour au lendemain. »

Les raisons qui les poussent vers l’industrie maritime sont variées : le désir de voyager, le plaisir de travailler en plein air, le défi professionnel… Pour Manon Comtois, c’est avant tout la machinerie. « Ça fait 8 ans que j’opère les grandes grues en hauteur. Avant, pendant 12 ans j’étais sur les transtainers (portiques de quai). Et j’adore ça ! » s’exclame-t-elle. Et pour Karine Racine, rien ne vaut la vie à bord pour la beauté des paysages en toile de fond, l’absence de routine et la qualité de l’esprit d’équipe. « Je ne pourrais pas être plus heureuse… », dit-elle. « Il ne faut pas s’arrêter aux préjugés. Quand on veut, tout est possible. Faut pas lâcher ! »

Pour que l’évolution se poursuive, les facteurs clés sont la formation et la sensibilisation. Et vu l’augmentation constante du nombre de femmes qui s’inscrivent aux formations de l’Institut maritime du Québec, tout porte à croire que cette évolution n’est pas près de s’essouffler.

Karine Racine, chef-officière pour Oceanex
 
Manon Comtois, débardeuse au Port de Montréal