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Jouer à tout prixcentre hochelaga enfants

En ce lundi après-midi, deux groupes d’enfants âgés de 4 à 12 ans, sac d’école sur le dos et boite à lunch à la main, se dirigent en placotant vers le centre. De part et d’autre, les deux animatrices Toupie et Ma, vêtues du même t-shirt rouge, les conduisent jusqu’à la porte d’entrée du Centre communautaire Hochelaga.

Tous les jours, elles prennent en charge un petit groupe d’enfants des écoles avoisinantes et les mènent dans la grande salle polyvalente du centre — une ancienne chapelle — pour leurs activités parascolaires. Aujourd’hui, c’est cours de danse, mais le local peut tout aussi bien faire place à des activités de cuisine, de patin à roulettes, d’arcades, de robotique… Seul point commun : l’inscription coûte 5$ — une somme modique, qui permet aux familles de tous budgets d’avoir accès à une panoplie d’activités.Centre communautaire Hochelaga habits hiver

Au rez-de-chaussée, une autre grande salle est remplie de boites de carton contenant des vêtements d’hiver, identifiées chacune au nom d’une école primaire. C’est l’Opération sous zéro qui bat son plein : des milliers d’habits de neige neufs distribués à des enfants de familles à revenu modeste — une initiative née à petite échelle il y a plus de 20 ans et qui permet aujourd’hui de distribuer plus de 5000 vêtements. « On veut que tous les jeunes puissent aller jouer dehors ! Ce sont les écoles avec lesquelles on travaille qui identifient les enfants dans le besoin », nous dit Carole Brière, directrice générale du centre. 

 

Un quartier aux besoins criants

Ces initiatives, ainsi que de nombreuses autres proposées par l’organisme, répondent à un besoin qui ne va pas en s’amenuisant au fil des ans. « Nous sommes situés dans un des secteurs les plus fragiles de l’arrondissement », poursuit-elle. « Les inscriptions pour certains services ont augmenté de plus de 80 % au cours des dernières années. On essaie de ne refuser personne… mais on arrive au maximum de ce qu’on peut offrir.

centre hochelaga carole briere
Carole Brière, directrice générale du Centre communautaire Hochelaga

À l’origine, le Centre communautaire Hochelaga était les Loisirs olympiques Sainte-Marie, un organisme voué à une mission sportive. Menacé de fermeture, il a trouvé un nouveau souffle sous l’impulsion de Roland Barbier qui a dirigé le centre pendant 20 ans. Au fil des ans, sa mission s’élargit en plaçant au premier plan la lutte contre la pauvreté. « On aime faire les choses en grand », explique Carole. « Les gens du quartier ne sont pas gâtés, alors on mise sur la qualité de service ». Elle organise par exemple un dépouillement d’arbre de Noël, une distribution de paniers de Noël, des cliniques d’impôt, des camps de jour ou encore une kermesse estivale incluant des installations éphémères d’hébertisme et d’escalade.

 

L’être humain au cœur du projet

Mais la lutte contre la pauvreté dépasse largement le cadre de l’aspect monétaire. « À travers nos activités, on travaille sur l’individu. Ils s’enrichissent sur le plan humain en développant leur autonomie, leurs compétences et en se sentant valorisés. On veut qu’ils s’épanouissent, qu’ils aient 4 ans, 13 ans ou 75 ans. »

Face à un jeune qui fait preuve d’un comportement difficile, par exemple, « on cherche à comprendre ce qu’il vit et on intervient pour soutenir la famille. Souvent, le diagnostic n’a pas été fait et la médication n’est pas là, l’enfant est en crise et les parents sont en détresse. » Parallèlement, à partir de 13 ans, les ados peuvent devenir bénévoles, puis aides-animateurs et animateurs, tout en bénéficiant d’une formation payée par le centre. « Ils acquièrent de l’expérience, des compétences et un sens des responsabilités », nous dit Carole. « Et ça les empêche de trainer dans la rue ».

« À travers nos activités, on travaille sur l’individu. Ils s’enrichissent sur le plan humain en développant leur autonomie, leurs compétences et en se sentant valorisés. On veut qu’ils s’épanouissent, qu’ils aient 4 ans, 13 ans ou 75 ans. »

En bout de ligne, « je forme une génération », nous dit Carole, citant le fait que plusieurs de ses employés aujourd’hui fréquentaient le centre quand ils étaient enfants. Dans un quartier miné par l’itinérance et la délinquance, « s’il y en a deux ou trois qu’on est capable de sauver et d’en faire des adultes responsables et fonctionnels, on aura travaillé dans le bon sens ». Un objectif qui sous-tend les projets du centre en filigrane. « À travers ça, les jeunes ne voient pas ce qu’on essaie de construire. Ils viennent seulement s’amuser et jouer au ballon. On n’est pas là pour leur faire la morale, mais nos interventions sont faites en ce sens-là ».

 

Contre l’âgisme

centre hochelaga animatrices
Pirate (Myriam Perron-Lemon) et Fidji (Delphes Tremblay), coordo-animatrices au Centre communautaire Hochelaga

Parmi les besoins émergents recensés dans le quartier, une part croissante va aux aînés, dont beaucoup d’activités offertes ferment l’été, car les espaces sont occupés par les camps de jour. « On leur a proposé une programmation estivale… Et ça a super bien fonctionné ! » Au menu : danse en ligne, peinture, yoga, pétanque, ainsi que des « vendredis fous » où ils peuvent choisir une sortie. L’équipe a également lancé une « radio-patrimoine » : « On considère que nos aînés sont notre patrimoine humain… On leur a demandé de nous raconter leurs histoires, ce qu’ils ont vécu et leurs souvenirs sur l’évolution du Québec pour les diffuser sous forme de balados et éviter que ça se perde ». Et parmi les projets en gestation, le groupe a demandé d’essayer de partir un karaoké... À suivre ! « Nous cherchons à aller contre l’âgisme et éviter de les infantiliser. Pour la plupart, ce sont des personnes très isolées. On leur permet avant tout de sortir et de créer des liens. »

À l’approche de la retraite, Carole prépare déjà l’avenir du centre. Son souhait le plus cher : qu’il ne change pas de vocation en changeant de directrice… « Ça fait 20 ans qu’on bâtit notre philosophie. Ce n’est pas le moment de tout perdre ! On veut embaucher des gens qui partagent nos valeurs. »

Ce qu’il faut pour faire ce métier ? « De la passion », nous dit-elle, ainsi qu’une capacité inébranlable à « faire la quête » pour aller chercher des dons, développer des contacts et trouver de nouveaux partenaires. « Travailler dans le communautaire demande beaucoup de sacrifices, mais je n’ai jamais regretté cette décision. Il faut croire en ce qu’on fait, même si nous ne sommes qu’une goutte dans l’océan. »